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lectures, écrits divers, au fil des jours et des humeurs

Les loyautés

Un roman court mais dense dans lequel l'auteure surfe sur les malaises de notre société, et plus particulièrement sur les maltraitances : maltraitance de la séparation, de la perte d'emploi, du faux semblant. Maltraitances qui conduisent bien des jeunes à toujours aller plus loin dans le défi à la vie. On aimerait que ce ne soit que du roman. Hélas...
L'auteure connaît "son sujet", le traite bien, sans tomber dans l'excès, en laissant la porte ouverte. A lire, à faire lire à nos ados !

Quelques extraits :

« Les tremplins sur lesquels nos forces se déploient et les tranchées dans lesquelles nous enterrons nos rêves. » ( Les loyautés)

Les coups je les ai reçus et le secret je l’ai gardé jusqu’au bout. J’ai trente-huit ans et je n’ai pas d’enfant. Je n’ai pas de photo à montrer, ni prénom ni âge à annoncer, pas d’anecdote ou de bon mot à raconter.
J'abrite en moi-même, et à l’insu de tous, l’enfant que je n’aurai pas. Mon ventre abîmé est peuplé de visages à la peau diaphane, de dents minuscules et blanches, de cheveux de soie. Et lorsqu’on me pose la question – c’est-à-dire chaque fois que je rencontre une nouvelle personne (en particulier des femmes), chaque fois qu’après m’avoir demandé quel est mon métier (ou juste avant), on me demande si j’ai des enfants –, chaque fois donc que je dois me résigner à tracer sur le sol cette ligne à la craie blanche qui sépare le monde en deux (celles qui en ont, celles qui n’en ont pas), j’ai envie de dire : non je n’en ai pas, mais regarde dans mon ventre tous les enfants que je n’ai pas eus, regarde comme ils dansent au rythme de mes pas, ils ne demandent rien d’autre qu’à être bercés, regarde cet amour que j’ai retenu converti en lingots, regarde l’énergie que je n’ai pas dépensée et qu’il me reste à distribuer, regarde la curiosité naïve et sauvage qui est la mienne, et l’appétit de tout, regarde l’enfant que je suis restée moi-même faute d’être devenue mère, ou grâce à cela.

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